Les Pommes De Terre Peuvent-Elles Vraiment Provoquer Le Cancer ?

Les autorités sanitaires britanniques ont récemment lancé une campagne contre les pommes de terre extra croustillantes. Cela a suscité de nouvelles inquiétudes chez le public par rapport à un carcinogène relativement peu connu : l’acrylamide. Lancée ce mois-ci, la campagne du Food Standards Agency (FSA) du Royaume-Uni vise à réduire l’exposition des ménages à l’acrylamide.

Selon l’agence, l’acrylamide est un « produit chimique créé quand de nombreux aliments, en particulier les aliments riches en amidon comme les pommes de terre et le pain, sont cuits durant de longues périodes à températures élevées, comme durant les cuissons au four, les fritures, les grillades, les toastages et les rôtissages ». L’agence a déclaré que « le consensus scientifique est que l’acrylamide peut potentiellement causer le cancer chez les humains ».

Certains des produits les plus couramment suspectés de contenir ce composé chimique potentiellement dangereux sont les pommes de terre trop cuites et les toasts brulés. Toutefois, comme l’a fait remarquer le FSA, tout aliment trop cuit riche en amidon peut potentiellement contenir de l’acrylamide.

Qu’est-ce que l’acrylamide ?

Jusqu’à ce que le FSA commence sa campagne, l’acrylamide était pratiquement inconnu du public. Cependant, d’après le Dr David Spiegelhalter de la Cambridge University : « L’acrylamide peut être, à dose élevée, une substance très nocive ». Il a récemment écrit : « Il est utilisé comme un agent d’étanchéité industriel, et les travailleurs les plus exposés ont souffert de graves problèmes de neurotoxicité ».

Le produit chimique est reconnu comme un carcinogène potentiel par l’International Agency for Research on Cancer. L’Organisation Mondiale de la Santé dit que la forme la plus courante d’exposition à l’acrylamide est via la nourriture, bien qu’en très faibles concentrations. L’acrylamide est précautionneusement régulé dans les installations industrielles de la plupart des pays occidentaux. Mais sa présence dans l’alimentation a rarement déclenché beaucoup de débat… jusqu’à maintenant.

Comment l’acrylamide se retrouve dans vos pommes de terre ?

On n’a pas encore complètement compris comment ce produit chimique finit exactement dans la nourriture, bien que l’idée de base soit que l’acrylamide est créé quand les aliments ayant une teneur élevée en un acide aminé appelé asparagine sont cuits à des températures supérieures à 120°C.

À cette température, l’asparagine peut former de l’acrylamide si l’aliment contient également certains sucres. Bien que les pommes de terre soient les suspects les plus évidents qui répondent à tous les critères, n’importe quel tubercule peut produire de l’acrylamide quand il est cuit, tout comme le pain. Toutefois, on peut également en trouver dans une diversité d’autres aliments, y compris le café.

Des études sur des souris ont démontré que l’acrylamide peut accroitre le risque de développer une diversité de cancers. En attendant, une étude néerlandaise portant sur des humains a trouvé des preuves suggérant que l’acrylamide pourrait être associé à un effet lié aux hormones qui peut conduire à une augmentation des chances de développer certaines formes de cancer.

Mais l’acrylamide peut-il vraiment donner le cancer ?

Toutefois, d’après Spiegelhalter, il n’existe pas de preuve formelle que ces aliments puissent produire assez d’acrylamide pour être effectivement une menace pour les humains. « Pour être honnête, je ne suis pas convaincu qu’il soit approprié de lancer une campagne publique [concernant l’acrylamide] », a-t-il déclaré.

Spiegelhalter pourrait avoir raison. Une des plus grosses études jamais menée sur l’acrylamide n’a pas pu établir la preuve que le produit chimique puisse augmenter le risque de cancer. Conduite par l’Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA), la recherche a examiné 16 études et 36 publications sur ce problème. Après avoir analysé les données, ils ont conclu que « l’apport en acrylamide n’était pas associé à un risque accru de développer la plupart des cancers communs, y compris ceux du système digestif ou respiratoire, du sein, de la prostate et de la vessie ».

Ils en ont conclu que « quelques études suggéraient un risque accru de développer des cellules cancéreuses dans les reins et l’endomètre (en particulier chez les non-fumeurs) ainsi qu’un cancer de l’ovaire, mais les preuves sont limitées et contradictoires ».

L’étude a effectivement trouvé quelques preuves suggérant que les femmes souffrant d’un cancer du sein avaient un taux de mortalité plus élevé si elles consommaient des quantités élevées d’acrylamide. Mais l’EFSA a dit qu’il était nécessaire de faire plus de recherches pour confirmer le lien.

Le lien entre l’acrylamide et le risque de cancer semble minimal

En commentant les données, Spiegelhalter a dit que le manque de preuve d’un lien entre acrylamide et cancer ne veut pas forcément dire que le lien n’existe pas. Mais il pourrait être minime.

« S’il y a eu d’énormes efforts de faits pour trouver une association et qu’on n’en a trouvé aucune, il est vrai que cela peut ne pas être une preuve directe de l’absence d’un effet… mais on peut considérer que c’est une preuve que ce n’est pas quelque chose de très important », a dit Spiegelhalter.

Les médias britanniques ont fait écho de sentiments similaires, y compris de la part du Dr Dean Burnett, journaliste scientifique de The Guardian. Il a suggéré que le problème ne venait pas de l’acrylamide, mais que le problème venait plutôt de la volonté du public à attacher une valeur excessive à des déclarations tapageuses mais non confirmées.

« Cela peut venir de la manière étrange dont l’opinion publique considère encore la science » dit-il. Aujourd’hui vous avez de la chance s’il se passe une seule journée sans que vous ne tombiez sur une déclaration surréelle ou surprenante publiée dans un magazine, un journal ou un site internet qui commence par les mots « La science dit que… » écrit-il.

Prenez des précautions pour limiter l’acrylamide

Comme pour de nombreux Britanniques, le message de Burnett au FSA était simple. Si quelqu’un veut chercher des noises à ses pommes de terre rôties, « Vous devrez les arracher de mes mains froides, mortes et quelque peu graisseuses ! ».

Toutefois, pour en revenir à l’avertissement original du FSA, l’agence ne semble pas vouloir qu’on arrête de manger des tubercules croustillants. Elle suggère plutôt de prendre quelques précautions simples pour limiter l’exposition à l’acrylamide.

La recommandation principale de l’agence est d’éviter de brûler les aliments contenant de l’amidon. Visez une couleur dorée quand vous faites frire ou rôtir les aliments comme les pommes de terre, les panais et le pain. Ils conseillent également de garder une alimentation équilibrée et de conserver autant que possible ces aliments à température ambiante. Pour les aliments transformés, ils recommandent de lire les instructions pour éviter la surcuisson.

Donc bien que la science derrière l’acrylamide puisse toujours être un peu ambiguë, les recommandations du FSA pourraient ne pas être particulièrement contraignantes après tout. Mais qu’en pensez-vous ? Devrions-nous prendre quelques précautions pour réduire l’exposition à l’acrylamide ou est-ce qu’on fait beaucoup de bruit pour rien à propos de  tout ceci ?

— Tamara Pearson

 

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