« Votre cerveau est plus vaste que le ciel et plus profond que les océans », écrivait la célèbre poétesse Emily Dickinson. Et, en effet, les interconnexions et les complexités de votre matière grise sont immenses. Les scientifiques estiment que votre cortex cérébral contient environ 100 milliards de cellules nerveuses (un nombre comparable à celui des étoiles dans l’univers). Notons également que chacun de ces neurones possède en moyenne 7000 connexions différentes !
Mais, de nos jours, votre esprit est connecté à un système encore plus vaste, qui comprend notamment les réseaux sociaux présents dans le cyberespace. Grâce à votre iPhone, vous faites désormais partie d’un gargantuesque système d’échange d’informations tel que l’humanité n’en a jamais connu. On peut donc se demander comment ces échanges transforment votre cerveau.
Votre cerveau est constamment en train de se recâbler pour tenir compte de vos expériences. Alors même que vous êtes en train de lire ces mots, de nouvelles connexions synaptiques sont en train de se former et elles modifieront votre paysage mental. Quand vous vous livrez à des activités répétitives (par exemple, sortir votre smartphone chaque fois qu’il vous signale un nouveau message), ces habitudes se gravent dans vos configurations neurales.
Je poste donc je suis (êtes-vous accro à votre téléphone portable?)
Des études récentes ont démontré que de nombreuses personnes souffrent d’une relation addictive avec leur téléphone portable, ce qui produit des changements notables dans leurs boucles de rétroaction d’attente et de récompense, qui sont présentes dans tout comportement à la fois compulsif et addictif.
Tout en gardant cela à l’esprit, voyons voir comment votre téléphone portable peut modifier les circuits neuronaux responsables de la mémoire, de l’anxiété, de la concentration et des comportements addictifs. Voici donc cinq manières qu’a votre téléphone portable de recâbler votre cerveau.
1- Addiction aux gadgets
Le cerveau humain est câblé de manière à rechercher des expériences qui lui procurent du plaisir. Cela comprend aussi bien les récompenses physiques de base (nourriture, confort et abri) que des choses d’un ordre plus spirituel, telles que des relations qui aient du sens, des informations nouvelles, la recherche de la beauté, des aliments qui aient du goût ou des substances qui altèrent la conscience.
Le système de récompense du cerveau consiste en réseaux dopaminergiques qui nous procurent des opiacés hormonaux naturels quand nous acquérons les biens qui nous tentent. Par exemple, si nous trouvons le partenaire idéal, le système de récompense du cerveau produit un flux de dopamine et de divers neurotransmetteurs qui nous font nous sentir bien et renforce les comportements qui améliorent nos possibilités de survie (et celles de l’espèce).
Néanmoins, ce système de récompenses peut être piraté, comme n’importe quelle personne souffrant d’une addiction au sucre ou à la drogue ou présentant une personnalité compulsive peut en témoigner. En l’occurrence, dans certains cas extrêmes, des alcooliques peuvent finir par se saouler à mort parce que, pour eux, l’alcool devient plus important que la nourriture, les relations humaines ou le travail.
Les neurologues ont étudié en profondeur le phénomène de l’addiction. Ainsi, il a été constaté que des rats dépendants à la cocaïne choisiront de faire fonctionner le levier qui leur procurera leur dose de cocaïne plutôt que celui qui leur procurera de la nourriture. Même s’ils risquent de mourir de faim, leur préférence ira à la drogue.
La technologie n’est pas aussi dangereuse que des drogues dures comme la cocaïne, mais les scientifiques insistent sur le fait que les gens peuvent devenir dépendants de leur téléphone portable parce que leurs habitudes renforcent continuellement le même circuit de récompense que celui activé par la drogue. Cela signifie que leurs utilisateurs s’habituent aux messages indiquant la réception d’un texto, aux réponses des médias sociaux et aux notifications directes.
Il ne fait pas le moindre doute que le fait de recevoir des stimuli digitaux peut produire une certaine euphorie alors que le fait de ne plus en recevoir peut faire surgir des symptômes habituellement associés au manque de drogue, tels que l’anxiété, la dépression et l’irritabilité.
Tout comme certaines personnes sont capables de boire de manière responsable quand d’autres deviennent alcooliques, il est possible de maintenir une relation saine avec votre téléphone portable ou de développer une relation malsaine avec celui-ci.
Voici quelques signes d’avertissement qui vous aideront à déterminer si vous êtes dépendant de votre portable :
- Consultez-vous frénétiquement votre téléphone pour vérifier si vous n’avez pas reçu un texto, un appel ou une réponse sur un réseau social ?
- Utiliser votre téléphone portable vous rend-il euphorique ?
- Êtes-vous peu intéressé par les relations ou les activités qui n’impliquent pas l’usage de la technologie ?
- Devenez-vous anxieux ou dépressif quand vous n’avez pas accès à votre téléphone portable ?
- Passez-vous plus de temps sur votre téléphone portable qu’avec votre famille ou vos amis ?
2- Externalisation de la mémoire
En 2017, des chercheurs ont attiré l’attention du public sur le fait que les utilisateurs de technologies de communication se délestent fréquemment de nombreux efforts cognitifs (la mémoire, par exemple) sur Internet. En d’autres termes, les téléphones portables, les tablettes et les appareils intelligents rendent le processus de mémorisation moins important.
Les scientifiques qui ont étudié ces effets ont noté que la technologie peut souvent augmenter les fonctions cognitives, mais aussi qu’elle peut parfois les saper. Bien que cette étude ne veuille pas donner de conclusions définitives, elle nous met en garde : « les interactions constantes avec ces appareils peuvent avoir un impact négatif et durable sur la capacité de l’utilisateur à penser, à mémoriser, à être attentif et à contenir ses émotions. »
Il est encore trop tôt pour être certain que l’utilisation de téléphones portables finira par réduire nos capacités à penser et à nous souvenir, mais il faut quand même remarquer que la mémoire, les capacités arithmétiques et la pensée critique sont d’origine biologique et que ces « muscles mentaux » ont besoin d’être exercés. Il est très probable que nous nous trouvions ici en face d’une situation du type « Utilisez cette capacité ou perdez-la ».
3- Surcharge d’informations
L’information n’est pas la connaissance (et encore moins la sagesse). De nos jours, les téléphones portables offrent à tout le monde un déluge de faits et de données, mais bien peu de contexte. Il en résulte que bien des gens finissent par se noyer au sein d’un océan d’informations alors qu’ils ont plutôt besoin d’une perspective qui leur permette de distinguer ce qui est important de ce qui ne l’est pas.
Les études suggèrent que ce déluge d’informations (ce genre d’informations rapides et non vérifiées qui nous assaillent sans cesse sur nos téléphones portables) interfère avec le processus de formation de la mémoire à long terme. Il en va de même pour la capacité à mener de multiples tâches en même temps. Quand tout nous est présenté comme urgent, le cerveau n’a alors plus aucun moyen de déterminer (et encore moins d’encoder) ce qui est vraiment important. Les scientifiques cognitivistes en déduisent que le résultat de cet état de fait est une mémoire à long terme faible et mal formée.
4- Narcissisme
De nos jours, les gens fixent leur écran de la même manière que Narcisse, ce demi-dieu égocentrique de la mythologie grecque qui fixait son propre reflet dans une mare d’eau. Et Narcisse, évidemment, était tellement absorbé par sa propre image qu’il refusa de bouger ne serait-ce que d’un pouce du rivage où il se reflétait et finit par se noyer en se lançant à sa poursuite de son reflet.
Pour le meilleur ou pour le pire, l’ère du « selfie » ne va pas s’arrêter de sitôt. Des études ont lié l’utilisation du téléphone portable à l’égoïsme. En effet, d’après une étude menée par l’université du Maryland, les gros utilisateurs de téléphone portable sont moins enclins à se porter volontaires pour des tâches bénévoles ou à initier des relations avec les autres.
5- Capacité d’attention limitée
Les téléphones portables et les appareils intelligents sont supposés multiplier nos possibilités. Cependant, il existe des preuves irréfutables qu’en réalité, elles réduisent notre capacité de concentration. En l’occurrence, des scientifiques cognitivistes ont découvert que la plupart des humains ont désormais une capacité d’attention inférieure à celle d’un poisson rouge !
De la même manière, d’après une étude menée par l’université du Texas, être en présence d’un téléphone portable (même éteint) distrait les gens de leurs tâches. Alors que les téléphones portables semblent être amenés à dominer notre monde, il semble qu’ils nuisent à notre faculté de pouvoir nous concentrer sur d’autres activités.
Comment se débrancher de temps à autre ?
Les téléphones portables nous fournissent aussi de bonnes choses et il est difficile de s’imaginer vivre sans eux. Néanmoins, il est important de se rendre compte que les utiliser peut amener de mauvaises choses. Pour éviter les pièges qu’ils nous tendent, vous devriez éloigner votre cerveau de vos téléphones de temps en temps. Voici quelques idées qui vous permettront de ne pas vous laisser envahir par cet objet.
- Programmez-vous des périodes sans appareil digital autour de vous
- Prenez part à des activités qui ne nécessitent pas de téléphone portable
- Prenez le temps de profiter de véritables couchers de soleil plutôt que de rêvasser devant votre écran
- Intégrez-vous à un groupe de personnes réelles
- Coupez l’alarme de vos notifications
- Pratiquez des activités qui développent votre cerveau, par exemple la méditation pour compenser le temps passé devant vos écrans.
— Scott O’Reilly